Retour d’expérience
Notre cheminement et nos tâtonnements
Nous croyons sincèrement en l’importance de l’expérimentation et de l’adaptation continue.
S’engager sur le chemin de l’inclusivité ne se fait pas d’un coup franc, pour notre part, ça a été l’aboutissement de réflexions, de questionnements et de doutes aussi.
En tant qu’institution axée sur l’inclusivité, nous ne nous contentons pas de prescrire des solutions « toutes faites ». Au contraire, nous nous engageons à nous plier à l’expérimentation, à tester de nouvelles approches et à écouter activement les retours du public concerné.
Dans cet esprit, nous avons souhaité éprouver nos pistes d’action et les suggestions qui avaient pu nous être relayées.
À travers ces expériences, ces tests, nous avons pris des mesures pour vérifier la faisabilité, les freins auxquels nous pouvons être confrontés afin de répondre aux besoins spécifiques de la communauté LGBTQIA+.
Voici un aperçu de nos initiatives et de notre engagement en faveur de l’inclusivité au sein de notre planning familial.
Équipons-nous
Une formation (proposée par Genres Pluriels) est désormais obligatoire pour l’ensemble de notre équipe. Cette décision vise à garantir l’uniformité de nos discours, à promouvoir la compréhension et le respect, et à institutionnaliser l’importance de l’inclusivité (une condition préalable pour travailler chez nous). Cependant, la mise en place de cette formation est entravée par un certain turn-over, ce qui rend son application à l’ensemble de l’équipe plus complexe. Il est demandé à chaque nouvelle recrue de prendre contact avec l’association pour rejoindre un module de formation.
Pronom de l’avant
Nous essayons de systématiser un maximum la demande du pronom, et ce dans toutes nos pratiques. Ainsi, au début d’une animation, nous nous présentons (prénom + pronom) et nous invitons nos participant·e·s à en faire de même.
En accueil, la création du dossier administratif implique l’utilisation de la carte d’identité dont les informations répertoriées ne sont pas toujours en adéquation avec le vécu de la personne.
Nous élargissons donc les questions que nous posons afin de respecter l’autodétermination. Par exemple : « Comment souhaitez-vous que je m’adresse à vous ? Quel pronom dois-je utiliser ? » ou encore « Quel est votre prénom d’usage ? ». Afin de normaliser ces pratiques et les rendre transversales ou tangibles, nous avons créé des nominettes pour chaque collègue (reprenant Nom, Prénom, Pronom) afin qu’elles soient affichées devant l’accueillant·e.
Accordons nos violons
Nous avons pour projet de créer une charte d’inclusion et de non-discrimination. Chaque collègue la signera, symbolisant ainsi son adhésion à son contenu. Cette charte aura le mérite de porter l’inclusion en tant que valeur institutionnelle, elle contiendra des directives claires sur différents aspects concrets, tels que l’usage du langage inclusif, les politiques de confidentialité et les procédures de signalement des incidents de discrimination. En concrétisant cette charte, on passe d’une initiative individuelle à une approche collective, favorisant ainsi la cohésion d’équipe et l’adhésion de tou·te·s aux normes établies. L’accueil inclusif devient une démarche commune intégrée dans le « descriptif de poste » de chaque employé·e ou partenaire, ce qui peut encourager une légitimité à prendre des initiatives et à oser.
Ni vu·e, ni connu·e, accueil tout en discrétion
Chez Infor-Femmes Liège, nous réfléchissons à la bonne accessibilité de nos services depuis longtemps. Nous prêtons particulièrement attention à des obstacles tels que la gêne de poser des questions, la peur d’être jugé·e, la crainte d’être « outé » faute de confidentialité, ou encore à l’anxiété sociale pouvant mener à l’agoraphobie. Le fait de pouvoir venir au Centre de Planning Familial pour différents motifs, pas nécessairement liés au genre ou à la sexualité, peut être un élément aidant. Nous pouvons proposer des horaires décalés afin de limiter l’affluence dans notre salle d’attente à certaines périodes. Nous sommes également joignables par différents moyens de communication : téléphone, email, SMS, ou encore réseaux sociaux (messagerie Facebook ou Instagram). Cela permet aux personnes de choisir le mode de contact qui convient le mieux, tout en garantissant le respect de l’anonymat et des décisions autonomes.
Mademoisieur, bienvenue !
Dans la salle d’attente, nous avons réfléchi à une manière de préserver l’anonymat des personnes tout en respectant leur identité de genre. Plutôt que d’utiliser les termes spécifiques comme « Monsieur X » ou « Madame Y », nous avons opté pour des formulations plus générales comme « La personne suivante » ou en donnant des indications sur l’heure du rendez-vous (par exemple : la personne qui a rendez-vous à 17 h). On pourrait même envisager la mise en place d’un système de tickets pour faciliter l’ordre d’appel.
Au-delà des apparences
Dans notre institution, nous avons pu collectivement nous questionner sur l’image que nous renvoyons, ainsi que sur les préjugés et stéréotypes qui nous sont associés. Chaque structure a son histoire, est intégrée à un réseau particulier, a choisi certaines couleurs dans sa charte graphique, etc. Tout cela influence la perception du public. Bien qu’il soit impossible d’avoir un contrôle absolu sur cette perception, il est possible de la réguler. Par exemple, des personnes LGBTQIA+ nous ont fait part de leur réticence à fréquenter notre centre de planning familial en raison de son nom : Infor-Femmes. Ce nom prête en effet à confusion puisque nous accueillons toute personne, quel que soit son genre. Pour y remédier, nous nous efforçons de communiquer sur notre inclusivité. Le changement de nom peut présenter des difficultés, mais nous avons entamé une réflexion à ce sujet.
Dépoussiérer nos pratiques
Il y a encore quelques années, notre pratique était encore fort imprégnée d’impensés binaires et hétéronormées. Nous parlions de préservatif masculin et féminin, nous refusions de donner la pilule du lendemain à un homme et lui demandions de téléphoner à sa copine, bien des réflexes pouvant être discriminants et violents si on y réfléchit ! Aujourd’hui, nous veillons bien plus à diversifier nos pratiques. Par exemple, nous avons opté pour une toilette unique non genrée au sein de notre établissement. D’autres choses sont encore à atteindre, nous aimerions pouvoir proposer autant de préservatifs internes, de gants, de doigtiers et de carrés de latex que de préservatifs externes dans notre salle d’attente. Mais les coûts sont trop importants pour nos moyens actuels.
Rose ou Bleu, vive le mauve !
Dans nos pratiques d’animation, nous avions pour habitude de séparer les groupes selon le genre. En effet, nous observions combien, selon les âges, il pouvait être difficile d’aborder certaines questions et certains sujets en mixité, en bon respect de l’intégrité de chacun·e et en faisant l’économie des stéréotypes de genre et des préjugés qui y sont liés. Néanmoins, nous avons pris conscience du combien il était très binaire de procéder de la sorte. Cela nous mettait en tension avec nos réflexions quant à une meilleure inclusivité des personnes LGBTQIA+ dans nos pratiques. Nous pensons ici aux personnes non-binaire, queer, fluides et à toutes celles n’ayant pas pu faire de coming out. Désormais, notre enjeu est de briser les cases étroites du féminin versus masculin pour offrir la liberté aux participant·e·s de rejoindre le groupe qu’iels souhaitent. Cette approche inclusive favorise une dynamique qui encourage la diversité des identités de genre et valorise la singularité de chaque individu, au-delà des constructions limitantes du genre et des normes préétablies.
Pas d’âge pour les tabous !
Nous travaillons l’inclusion des discours dès le plus jeune âge, en utilisant des termes qui permettent de ne pas généraliser. Par exemple, nous encourageons la réflexion autour de phrases telles que « toutes les femmes n’ont pas une vulve », « certains hommes ont un pénis » ou encore « toutes les familles sont différentes » afin de promouvoir une reconnaissance de la diversité des corps et des identités de genre. En parallèle, nous nous efforçons d’améliorer notre communication sur les réseaux sociaux en visibilisant les minorités souvent marginalisées, telles que les personnes lesbiennes, asexuelles, ou a-romantiques. En donnant de la visibilité à ces identités, nous contribuons à créer un espace plus inclusif et respectueux de la diversité des attirances sexuelles et/ou romantiques et des identités de genre, dès les premières étapes de la vie et tout au long du parcours individuel.
Pas si facile d’être un centre en « déconstruction »
Nous aspirons à des changements significatifs, mais nous rencontrons des limites dans certains domaines où nous avons peu de marge de manœuvre. Ces défis incluent notamment la nécessité de simplifier l’écriture inclusive et l’utilisation du point médiant sur ordinateurs et smartphones. Nous souhaiterions également questionner les données de recensement exigées par nos pouvoirs subsidiants comme la question du genre, y a-t-il une véritable utilité à récolter cette donnée ? Enfin, nous nous questionnons sur les divergences, l’inadéquation de valeur ou de propos avec certains partenaires : comment collaborer si nous avons des discours contradictoires ?
Ces contraintes extérieures peuvent engendrer un sentiment d’impuissance ou de la frustration, mais nous espérons que des mesures pourront être prises pour répondre aux défis actuels.
Mots pour Tou·te·s, Tou·te·s pour Mots
Dans notre démarche vers un langage inclusif, nous travaillons activement à créer une liste ou un dictionnaire de mots épicènes pour modifier nos habitudes linguistiques. L’utilisation d’un langage inclusif et non genré dans nos communications officielles, formulaires et documents institutionnels est essentielle pour reconnaître et respecter toutes les identités de genre, en veillant à utiliser les pronoms appropriés et à respecter l’identité de genre de chacun·e.
Toutefois, nous sommes confronté·e·s à des défis, tels que le problème de politesse dans les emails, qui peut parfois générer un conflit entre nos actions militantes et le souci d’être perçu comme adapté·e·s (par exemple lorsque l’on s’adresse à des politiques, l’on envisage mal de les appeler par leur prénom). Pour résoudre cette situation, il est crucial d’expliquer notre démarche, même si cela peut être long et fastidieux. Nous travaillons à éviter les présupposés hétéronormés, comme celui selon lequel tout le monde a besoin de contraception, et à ouvrir notre perception des relations en reconnaissant la diversité des formes qu’elles peuvent prendre. En utilisant des outils qui contournent la binarité linguistique, nous favorisons une approche plus inclusive. Par exemple, dans le contexte de l’IVG, plutôt que de parler de femmes uniquement, nous privilégions le terme générique de « personne » pour refléter la diversité des individus concernés.
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